Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Chère Camille : Reine-Marie Paris

12 Août 2018 , Rédigé par Sophie Lagal Publié dans #Les Autres-Miroirs et moi

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Comme j'aurais aimé vous connaître, vous rencontrer ! Ne serait-ce qu'une seule fois.
Cela aurait très bien pu se faire lorsque votre frère Paul Claudel, mon grand-père, est
allé vous voir en 1943 à Montdevergues, un mois avant votre disparition. J'avais 5 ans
et mon grand-père a dû penser que j'étais trop petite pour affronter cette épreuve...

C'est pour cela que j'entreprends aujourd'hui de vous écrire une très longue lettre, que
malheureusement vous ne recevrez jamais, comme ce fut le cas de toutes les lettres de
correspondants, amis et parents, qui ne vous ont jamais été remises, à l'asile, pendant
ces trente interminables années où vous viviez parmi les fous qui criaient, pleuraient, 
marmonnaient des phrases sans queue ni tête, alors que vous aviez gardé un cerveau 
lucide malgré la persistance d'une "idée" obsédante, amalgamée en vous comme une force
en fusion. 
Cette "idée" a sournoisement envahi votre intelligence et sclérosé votre flamboyante 
personnalité, qui s'est peu à peu rouillée, réduite à un souvenir. Pourtant, quand je con-
-temple votre visage sur la photo où vous êtes avec votre amie Jessie, avec votre chapeau
fatigué et votre manteau râpé, j'y surprends encore la lueur d'une petite flamme qui dit :

"Je suis toujours vivante, mes oeuvres parlent, elles entretiennent une complicité avec
le fruit d'un art vécu qui s'insurge contre la vilenie des hommes, un art vécu intimement,
dont l'expression est naturellement adéquate."

Vous ne lirez jamais cette lettre parce que vous avez quitté ce monde il y a 69 ans, mais il
me tenait à coeur de vous conter mon parcours en votre compagnie, depuis une quarantaine
d'années. Votre vie a été un roman, une épopée, dites-vous, comme Napoléon dans son 
Mémorial à Sainte-Hélène, digne d'Homère. La mienne, entraînée par la vôtre, a été une
succession de découvertes, de joies, de déconvenues et parfois de grandes peines.

 

Reine-Marie Paris
Petite-nièce de Camille Claudel
Vit à paris

Extrait du texte publié dans l'ouvrage Chère Camille Claudel, Histoire d'une collection 
aux Éditions Culture Economica, p.1, 2012.

 

Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article