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Chloé Bressan : claire errance

4 Septembre 2016 , Rédigé par Sophie Lagal Publié dans #Les Autres-Miroirs et moi

Chloé Bressan : claire errance
1.


Au bord de ton corps, le ciel se défait. Cruciale, j'admets ta venue, enroulée de vents forts et de copeaux de bois. Ta venue fière est louable. Je n'entends plus les efforts des bras à rompre. Tu es venu et j'ai cru, pour poignarder mon silence, et j'ai cru, pour déraciner le visage apparent. Cru plus qu'aujourd'hui le bruit de mon sang. Tu es venu contracter l'étrange réalité, cet oeil, et le bruit lourd de tes bottes me semble une enfance blottie dans un parfum de talc. Et j'ai cru à la pluie, à l'errance, cru au bleu de l'aura, n'est-ce avant tout le simple, sans y penser ?

p 11



2.


Assez sur le matin tu t'es penché. La compagnie des autres ne te va pas, ni le jour inédit. Seul, tu es autre chose que tout ce blanc qui dissout. Seul, tu vas vers avec plus de souffle. 
Assez, fragile. Attendre que fleurisse. Partir tôt, alors.
Remettre du temps sous la table, y tremper les pieds. Penser à Rilke en versant l'eau dans le grès. Surprendre Artaud sous un ciel en furie et lui demander où il va. Appuyé sur quelques heures, tu sens monter tes mains, tes mains deviennent ces heures. Monter. Tu ne veux pas suivre le tracé permanent.
Assez, fragile, tu remets à demain de me perdre. Tu veux monter. Monter de rire et d'offrande. Monter le pays qui s'agrippe à toi. Tu remets à demain de me perdre, assez de repos sous les lys, assez. Valise verte, elle te laisse faire, ainsi que moi, pour occuper le plan où tu veux aller, et tu ne veux pas. Tu l'as remplie de tant d'attente que la fermer forcerait de remettre à plus tard. Valise verte, assez. Irons-nous ? mais le goût de partir laisse trop de traces vertes sur les heures. Tu sens monter tes mains, tes mains deviennent ces heures.
Valise verte, assez. Tu remets à demain de me perdre. Ou que fleurisse... 

p 13



3.


Tu tombes sur le puits. Le baiser a tout mis en l'air. Favorable est écrit. Favorable...J'endosse, mais quoi, du baiser ou de l'air ou du fil où je marche. Le vent a peut-être traversé d'autres nuits comme celle-ci avant de précipiter ma lèvre au fond des trois traits identiques. Il est question de racines, non de baisers. Avant de parler, j'endosse. Favorable est écrit.
Mais plusieurs fois, la lèvre tremble, n'est pas si sûre. Inébranlablement le mot.
Lèvres lourdes pour un seul visage qui s'est mis nu. L'on peut encore attendre l'hiver. L'on peut. 
Favorable est écrit. Au prochain trait brisé, je pars. Je dis que je vais le faire vraiment. Depuis le puits, mon corps se réveille, armé par le mot favorablement. Ciel encore trop bas.
Non, je ne l'ouvre pas. Pas ce soir.

p 18



4.


C'est moins que toujours une adresse à celle qui passe. Il fait nuit profondément et froid. Elle frôle le ciel, en arrache la charpente, tout ce qui se meut hors d'elle. Elle applique son oreille contre. Unie, elle veut être unie, mais elle ne sait pas dire vraiment à quoi. le vieux masque la secoue pour la secourir, du vent l'emporte. Elle s'est unie, passagère sur le passage, elle invoque une ombre, ça ne sourit pas derrière les rivières, ça traverse. Unie, elle veut être unie, mais ne sait dire vraiment à quoi. Elle ne s'arrête pas à cela, elle feinte. Elle active des lignes, disparaît des surfaces. Tu as toute raison de croire à ce regard. Ce plus-que-toujours hasardeux qui fait signe : deuil rouge sur tout miracle.

p 22







Chloé Bressan.
claire errance,2015.
Editions isabelle sauvage.
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