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Christophe Mahy : La flamme du seul

29 Mars 2017 , Rédigé par Sophie Lagal Publié dans #Les Autres-Miroirs et moi

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

                                                                                      CHANDELLE ET SABLIER

 

 

A la page des champs
au-dehors
ou contre le mur de la nuit
j'en reviens toujours
à ces voix endormies
au fond de nous
et que l'encre contient

comme un feu sous la neige.

 

Page 15

 

 

Nos pas immobiles
sont au milieu du noir
une lueur vacante
et le poème un amer
qui balise l'obscur.

 

Page 24

 

 

Chaque jour l'aube est là
mortelle ou féconde
ciel brisé
sur la page
où je m'enfuis

de moi.

 

Page 25

 

 

La lumière recommence
à chaque phrase
selon l'ordre attentif
du grand vide
et nous rêvons à des clartés
qu'on ne pressent
que dans l'ombre.

 

Page 27

 

 

Sous la houle du jour
la soif des pétales
abreuve
la marge noire
du monde
où nous sommes dans l'éclipse
ce rien

qui déjà peut éteindre.

 

Page 28

 

 

                                                                                   LE VEILLEUR SOLITAIRE

 

 

Ma vie à huit clos
les heures à rebours
qui ne comptent plus
toute cette absence
bien présente
juste pour tenir
une parole
qui ne sauve de rien.

 

Page 35

 

 

De ces rayons
qui passent
la vitre pâle
je tire quelques mots
dont la lumière

n'est qu'une ombre.

 

Page 42

 

 

L'heure calme
dans l'interstice des mots
et puis la page et moi
face au miroir
du nuage et du ciel.

 

Page 43

 

 

Le jardin est sous le ciel
une page éclose
que le hasard visite
un quelque chose
frêle et pâle
que l'hiver oublie
en partant.

 

Page 46

 

 

                                                                                   L'ELAN DU FEU

 

Il est probable
que l'obscur en vienne
à gouverner le lieu
où le mot déraciné
laisse dans la neige

une lumière absente.

 

Page 57

 

Un peu de soleil
pris à la fenêtre
un instant du monde
et de verdure
sans que ne passent
ni l'oiseau ni l'enfant
dans ce jardin
où le nuage
éclôt dans la source.

 

Page 60

 

Chaque jour
le ciel sur la ville
la colline et son ombre
l'oiseau alentour
quelques mots de plus
ou de moins
n'empêchent pas le vent
dans les arbres
d'attiser
ce qui reste de nuit
en nous.

 

Page 61

 

 

Alors vient le temps
où écrire n'est plus écrire
et où seul le feu libère
l'âme sans limites
pour peu qu'il reste

assez de nuit à la flamme.

 

Page 65

 

 

                                                                                    L'ABSENCE DE SOI

 

 

Ailleurs
jusqu'à l'infini
c'est vers moi que je pars
sans jamais savoir
ce que je suis vraiment.

 

Page 75

 

Dans la multitude
je m'oublie et je meurs
d'avoir vécu
sans gains ni pertes
Même brisée
sur le rivage
la vague ne cesse pas
d'être océan.

 

Page 76

 

Encore une aube
qui nous parle du monde
tel qu'il est
et qui n'est rien
de ce qu'on en pense
ni splendeur ni abîme

mais simplement cela.

 

Page 77

 

Dans l'oiseau
dans le nuage
et la montagne
dans ce reflet

d'eau
parmi l'eau
et dans l'idée
de moi

le vide.

 

                                                                  Pour Jangbu

 

Page 79

 

 

Quand je dis je
je sais qui je suis
pourtant
je ne connais
ni ma naissance
ni ma mort
depuis que je dis je
le rêve a commencé
avec moi.

 

Page 95

 

La mer au matin
se retire
de la fenêtre
et me laisse seul
regarder
partir ma vie
sur les chemins
libre enfin
des autres
et de moi-même.

 

Page 103

 

 

 

Christophe Mahy, "La flamme du seul"
Peintures Isabelle Nouwynck
Editions L'herbe qui tremble
Septembre 2014

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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